Horaires en 3×8 : quels impacts sur l’alimentation et le bien-être ?

Horaires en 3x8 : quels impacts sur l’alimentation et le bien-être ?

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Septembre 2021

La pénibilité de certaines conditions de travail est aujourd’hui reconnue en France. Parmi les risques professionnels listés, figurent notamment le travail de nuit et celui en équipes alternantes (horaires fluctuants selon le système dit des 3 x 8). D’où cette revue narrative explorant l’impact de la perturbation circadienne des infirmiers, hôtesses de l’air, travailleurs à la chaîne, employés de structures ouvertes H24…, sur leur alimentation et leur bien-être psychosocial. 110 publications en langue anglaise ont été recensées sur Google Scholar, PubMed et Scopus, via une recherche par mots clés (« rythme circadien », « horloge biologique », « travail décalé »…).

Désynchronisation de l’horloge interne

Les auteurs commencent par revenir sur le fondement biologique des méfaits du travail décalé. Le noyau suprachiasmatique (NSC) de l’hypothalamus, siège de l’horloge interne centrale, synchronise les rythmes de notre organisme sur 24 heures : stimulation du sommeil et des fonctions anaboliques pendant la nuit, stimulation de l’éveil et des fonctions cataboliques le jour, contrôle du rythme endogène de la mélatonine dont la sécrétion est élevée pendant la nuit biologique. La désynchronisation de cette horloge sous l’effet du travail en 3×8 peut conduire à une utilisation inappropriée des substrats énergétiques, une perturbation des voies métaboliques, et donc une accumulation intracellulaire de lipides et une résistance à l’insuline.

Altération des comportements alimentaires

Les auteurs s’arrêtent ensuite sur les modifications du comportement alimentaire associées au travail en 3×8. Un appétit accru en fin de nuit, des grignotages accompagnés de café durant le travail, une consommation d’alcool pour se détendre à domicile, le saut du petit-déjeuner pour aller dormir directement sont souvent rapportés. La leptine et la ghréline (dont les sécrétions sont modifiées par les perturbations du sommeil), et l’insuline (dont la sécrétion dépend de l’horaire des repas) seraient impliquées dans certains de ces comportements mais ne seraient pas les seules : pression sociale des collègues durant les pauses ; moindre accessibilité à des repas sains (cantine fermée) ; contraintes domestiques de retour au domicile ; etc.

Pourtant, l’apport énergétique de ces travailleurs est comparable à celui des travailleurs à horaires classiques : plus que l’apport énergétique, la prise de repas « au mauvais moment » du cycle de 24 h serait ainsi un facteur clé du risque accru de perturbations métaboliques. Les repas pris trop tard le soir et le sommeil pendant la journée perturberaient le système de régulation, l’appétit et le métabolisme : le métabolisme du glucose et le stockage des graisses étant favorisés en journée (et l’épargne du glucose et la lipolyse la nuit), les travailleurs par roulement présenteraient des tolérances au glucose et aux lipides réduites.

Santé mentale en berne

En parallèle des perturbations alimentaires, les travailleurs de nuit signalent aussi davantage de problèmes psychologiques et de santé mentale : irritabilité, somatisation, troubles obsessionnels compulsifs, anxiété, troubles paranoïaques…. De même, les travailleurs en 3×8 rapportent irritabilité, nervosité, anxiété. Leur absentéisme est plus élevé de même que le recours aux psychotropes, la consommation d’alcool et de drogues, les taux de divorce et de suicide, etc.

La nécessité de programmes nutritionnels

Enfin, selon les auteurs, la prévalence du surpoids et de l’obésité chez les travailleurs en équipes alternantes souligne la nécessité de programmes nutritionnels spécifiquement conçus pour réduire les risques associés aux horaires décalés : aliments riches en protéines la nuit, moindre consommation d’aliments riches en glucides, horaires réguliers des repas, équilibre alimentaire.

Voir tous les articles du numéro spécial Chrononutrition

A retenir
  • Le travail en équipe alternante (3 x 8) ne respecte pas le rythme biologique circadien des infirmiers, travailleurs à la chaîne, employés de structures ouvertes H24… qui y sont soumis.

  • Leur comportement alimentaire se trouve altéré, pour des raisons métaboliques mais aussi sociales, organisationnelles, etc.

  • La forte prévalence de l’obésité et de risques psychologiques dans ces populations nécessite la mise en place de programmes nutritionnels adaptés.

Sources
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