Europe du sucre : la nouvelle donne

Europe du sucre : la nouvelle donne

Europe du sucre : la nouvelle donne

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20 mai 2021

Dans un contexte économique mondial difficile, la filière betterave/sucre française fait face à la concurrence de grands pays sucriers bénéficiant de conditions plus favorables et se prépare à relever les défis de la durabilité.

Un marché mondial du sucre dégradé

Après une campagne 2017/2018 au cours de laquelle l’UE a retrouvé, après des années de limitation de ses exportations en liaison avec les règles de l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce), une part plus conforme à ses capacités sur le marché mondial, la filière betterave-sucre a été confrontée à une crise sans précédent. Celle-ci a trouvé ses origines dans les fortes augmentations de production de certains grands pays sucriers et donc à une surproduction mondiale. Les cours mondiaux, et avec eux le cours UE, ont chuté et sont restés très bas tout au long de la campagne 2018/2019 et jusqu’à la fin de l’année 2019.

Depuis janvier 2019, le marché communautaire est déficitaire. En début d’année 2020, les fondamentaux du marché étaient mieux orientés, un déficit important étant alors attendu sur le marché mondial. La pandémie de la Covid-19 est malheureusement venue impacter négativement le marché mondial du sucre et contrarier la reprise du prix mondial.

Le prix communautaire du sucre relevé par le système d’information sur les prix du sucre de l’UE a néanmoins poursuivi sa progression au cours des tout premiers mois de l’année, pour finalement se stabiliser.

La fin du régime des quotas

Au sein de l’Union européenne, le sucre était régi depuis 1968 par une « Organisation commune du marché du sucre » (OCM), établie dans le cadre de la Politique Agricole Commune (PAC) et basée sur des quotas de production et un soutien des prix. Cette OCM a été réformée une première fois en 2006 pour s’adapter aux règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et accroître l’ouverture du marché communautaire aux importations de sucre en provenance des Pays les moins avancés (PMA) et de la zone Afrique-Caraïbes-Pacifique (ACP). Puis une seconde fois en 2013 dans le cadre d’une nouvelle réforme de la PAC. A l’occasion de cette dernière, les quotas de production de sucre et le prix minimal réglementaire de la betterave ont été abandonnés, avec effet au 1er Octobre 2017.

Depuis 2007, le secteur sucre est intégré dans une OCM unique regroupant l’ensemble des produits agricoles régis par la PAC.

Une concurrence inéquitable dans les échanges internationaux

La fin des quotas a levé la double barrière que représentaient la limitation des quantités de sucre produites pour des usages alimentaires et les restrictions imposées par l’OMC quant aux volumes de sucre pouvant être exportés vers des pays tiers (hors UE). Mais après une première campagne 2017/18 au cours de laquelle l’UE a pu retrouver son rang mondial, la filière betterave-sucre a été en proie à de graves difficultés. Les fortes augmentations de production de certains grands pays sucriers (Inde, Thaïlande), ont en effet provoqué l’effondrement des cours mondiaux. Les prix de l’UE ont eux aussi connu une évolution défavorable.

Cette situation est alimentée par des politiques très affirmées de soutien public à la filière canne-sucre dans certains pays, notamment en Inde, dont la production a connu un développement sans précédent au cours des années récentes (le soutien public indien est d’ailleurs actuellement questionné à l’OMC sur sa conformité aux règles du commerce international). Elle est également le fruit de conditions de production (sociales et réglementaires) qui permettent à nos concurrents de réduire leurs coûts de production et leur offrent des avantages de compétitivité contre lesquels il est difficile de lutter à armes égales.

L’UE a pourtant poursuivi et développé sa politique d’importation préférentielle de sucre. Celui-ci provient essentiellement de pays/zones où il bénéficie précisément des conditions évoquées précédemment. L’UE importe ainsi, du fait des nombreux accords commerciaux qu’elle a conclus, un volume important de sucre dans le cadre de contingents préférentiels : près de 800 000 t à droit réduit et plus de 700 000 t sans droit de douane. Les importations de sucre en provenance des PMA et des pays ACP peuvent de plus entrer dans l’UE sans droit de douane et sans limitation en volume. Au total, ce sont près de 2.5 millions de tonnes en moyenne annuelle qui ont été importées à titre préférentiel au cours des dernières années, soit environ 15% de la consommation de l’UE.

Les enjeux de la durabilité

La filière betterave/sucre française dispose néanmoins d’atouts de compétitivité dans le concert international. Grâce à son avance prise dans les domaines agronomique et scientifique, notamment au plan de l’amélioration variétale, la France enregistre des rendements en betterave et en sucre à l’hectare parmi les plus hauts du monde.

Les enjeux liés à la transition écologique durable se font toutefois de plus en plus pressants et impriment de nouvelles contraintes agronomiques (réduction de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, …), renforcement des objectifs de décarbonation.

La volonté de la Commission européenne de faire de l’Europe, dans le cadre du Pacte Vert qu’elle propose aux Etats membres, le premier continent climatiquement neutre à l’échéance 2050 trace un chemin lourd de défis à relever.

Encore faut-il que les conditions pour le faire soit établies. L’exemple du fort développement de la jaunisse virale sur la récolte de la campagne 2020/21 vient démontrer que la suppression de l’utilisation des solutions phytosanitaires préalablement disponibles sans solution alternative détériore les conditions de la résilience de la filière.

Encore faut-il également que nos concurrents sur le marché mondial soient également mis à contribution pour une transition écologique équilibrée et juste.

La filière betterave/sucre française souhaite transformer ces contraintes en opportunités. Elle a déjà su s’adapter et continuera de le faire. Au plan industriel par exemple, les acteurs de la filière ont engagé d’importants programmes d’investissements visant à réduire de manière drastique la consommation énergétique des sucreries. Avec, à la clé, un gain de compétitivité et une baisse significative des émissions de gaz à effet de serre.

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