Caries : (com)prendre le problème à la racine

Caries : (com)prendre le problème à la racine

Santé Bucco-dentaire

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Caries : (com)prendre le problème à la racine

Affection de longue date reconnue comme un problème majeur de santé par l’OMS (Organisation mondiale de la Santé), la carie est une problématique sanitaire qui peut donner l’impression d’être à la fois largement couverte par la littérature scientifique et maîtrisée par les autorités de santé. Pourtant, à y regarder de plus près, les choses ne sont pas si simples.

La grande majorité des individus touchés

Les données épidémiologiques relatives aux caries, bien que nombreuses, peinent à caractériser les prévalences exactes de façon fiable – les méthodes de calculs variant en fonction des pays et des périodes couvertes. Malgré ces imprécisions, l’OMS estime que les caries pourraient toucher 60 à 90 % des enfants et une grande majorité des adultes à travers le monde. Avec plus de 2 milliards d’individus concernés, les caries non traitées constitueraient ainsi l’affection la plus répandue parmi les centaines de maladies considérées par les autorités de santé dans les bilans sanitaires réalisés régulièrement au niveau mondial.

Certains groupes de population se révèlent plus vulnérables que d’autres à l’apparition de caries. Ainsi, les enfants constituent une population particulièrement à risque car c’est au moment où les dents sortent qu’elles sont les plus sensibles. Si les enfants sont plus touchés que les adultes, ces derniers restent toutefois largement concernés. Les individus de plus faible statut socio-économique apparaissent comme davantage touchés. Bien que des différences liées au sexe ou à l’appartenance ethnique aient également été rapportées, leur effet resterait mineur par rapport aux autres facteurs de risque.

Enfin, jusqu’à récemment, la prévalence des caries s’avérait plus élevée dans les pays développés. Néanmoins, cette répartition globale tend à se complexifier du fait du développement économique et des changements alimentaires rapides que connaissent de nombreux pays, en particulier la hausse de la consommation de sucres.

Quand la déminéralisation prend le dessus

Quels sont donc les mécanismes à l’origine de la formation de ces lésions dentaires qui touchent tant d’individus ? La dent est recouverte d’un biofilm dérivé de la salive, constitué de protéines et de glycoprotéines, molécules qui permettent l’adhésion des bactéries du microbiote buccal. Cette structure est connue sous le nom de plaque dentaire ou de biofilm (voir figure 1). La surface de la dent est en équilibre constant entre les processus cycliques de déminéralisation et de reminéralisation, qui se succèdent au cours de la journée.

Lorsque des sucres sont consommés, une déminéralisation se met en place, sous l’effet des acides organiques (en particulier, l’acide lactique) produits par les bactéries du biofilm à partir de la fermentation de ces sucres. A contrario, dès que les sucres sont évacués de la bouche (par avalement et dilution dans la salive par exemple), la salive peut retrouver son effet tampon et neutraliser les acides organiques grâce à une réaugmentation du pH buccal, créant des conditions favorables au dépôt des minéraux présents dans la bouche (calcium, phosphate, fluor essentiellement) et donc à la reminéralisation.

La carie s’installe lorsque cet équilibre dynamique est perturbé de façon durable au profit de la déminéralisation. Si le processus n’est pas inversé par des mesures hygiéno-diététiques classiques, la déminéralisation augmente peu à peu la porosité de la dent, permettant aux acides organiques de pousser plus en profondeur leur action néfaste. Si les premiers stades sont réversibles, la déminéralisation prolongée pourra conduire à la formation de cavités dans la dent. À l’étape suivante, la pulpe dentaire (tissu mou situé sous l’émail et la dentine, voir figure 1) est atteinte, nécessitant alors des interventions comme l’ablation de la dent.

Le fluor, pierre angulaire de la prévention

La formation de caries résulte donc d’un déséquilibre des processus constants de minéralisation et déminéralisation à la surface de la dent. Plusieurs facteurs sont à même de favoriser ou au contraire de prévenir ce déséquilibre. Si l’ingestion fréquente de sucres fermentescibles par les bactéries buccales (glucose, fructose, saccharose, maltose) et l’absence ou le manque de brossage de dents constituent des facteurs aggravants, l’utilisation d’un dentifrice contenant du fluor représente le principal facteur protecteur vis-à-vis des caries, expliquant la diminution des caries dans le monde au cours des dernières décennies (figure 2). En effet, celui-ci, en pénétrant la plaque dentaire et se déposant dans les sites de lésions générées par la déminéralisation, favorise très largement la reminéralisation de l’émail, et donc l’inversion du processus cariogène lors des phases précoces. D’autres formes d’apports du fluor (eau, sel, voire lait fluoré) existent mais font l’objet de controverses : le risque de fluorose (apparition de stries blanches sur les dents) et le fait d’imposer le fluor à l’ensemble de la population via l’enrichissement de l’eau font partie des principaux arguments à leur encontre.

Les brèves du sucre - Rubrique Nutrition - Numéro 77

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A retenir
  • Les caries touchent la majorité des individus, enfants comme adultes, au niveau mondial

  • Les populations des pays développés restent davantage concernées, bien que cette tendance soit moins nette aujourd’hui que dans le passé.

  • Les caries s’installent lorsque les cycles de déminéralisation et de re-minéralisation de l’émail dentaire connaissent un déséquilibre au profit de la déminéralisation.

  • La consommation fréquente de sucres et le manque d’hygiène dentaire sont les principales causes de caries tandis que l’utilisation d’un dentifrice fluoré constitue le principal facteur de prévention.

Sources
  • Dental caries. Pitts NB, Zero DT, Marsh PD, Ekstrand K, Weintraub JA, Ramos-Gomez F, Tagami J, Twetman S, Tsakos G, Ismail A. Nat Rev Dis Primers. 2017 May 25;3:17030

  • Conflit d’intérêt rapporté : Un des auteurs a reçu une subvention de Colgate, et un autre un financement de Johnson and Johnson.

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