Sucres cachés : ces journalistes qui nous embrouillent

Sucres cachés...

Ces journalistes qui nous embrouillent...

Sucres cachés : ces journalistes qui nous embrouillent

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12 avril 2018

« Ces aliments qui nous empoisonnent », tel est le titre de numéro hors-série de 60 millions de consommateurs de ce mois-ci (mai 2018). Sucre ennemi public, sel un faux ami, additifs, pesticides, charcuteries, poisson… tout y passe.

Dans le dossier sucre, si la « consommation excessive » est bien la cible de leurs messages, nous perdons un peu le fil dans les explications et les exemples, avec des confusions entre sucres totaux, sucres ajoutés, sucres « cachés »… Quelques exemples que nous avons relevés.

Un seul bol de Nesquik couvre 80% de l’apport quotidien recommandé par l’OMS (25 g)

Faux
Les sucres indiqués dans le tableau nutritionnel ne sont pas tous ajoutés.

La revue utilise le tableau nutritionnel de l’emballage : pour un bol, 20 g de sucres. Mais il s’agit là des sucres totaux, pas seulement des sucres « libres » dont il est question dans la recommandation de l’OMS (sucres libres = sucres ajoutés + sucres des jus de fruits), comme on l’a déjà expliqué dans notre billet Emission C dans l’air : Et si on arrêtait les fake news.

Les valeurs sont données pour un bol prêt à consommer c’est-à-dire 2 cuillères de NESQUIK (13,5 g) + 200 mL de lait. Or, le lait apporte aussi des sucres : le lactose, qui est pris en compte dans les valeurs nutritionnelles.

Cela n’a ainsi pas de sens de comparer une quantité de sucres totaux à une limite concernant des sucres ajoutés. On ne retrouve d’ailleurs pas ce chiffre de 80 % de l’apport recommandé sur l’étiquetage.

Informations
Nutritionnelles
Pour 1 bol de Nesquik + 200ml de lait 1/2 écrémé (%AR)% AR par portion
Energie622 kJ
148 kcal
7%
Matières grasses
dont saturées
3,7g
2,2g
5%
11%
Glucides
dont sucres
21g
20g
8%
22%

Cependant, il est vrai que les poudres cacaotées du matin ont des teneurs en sucres ajoutés élevées puisque le sucre est le 1er ingrédient de la liste (ingrédients notés du plus au moins présent) devant le cacao. Ayez cela en tête pour ajuster la dose de chocolat en poudre selon la quantité de lait, le consommateur (âge de l’enfant, …) et vos envies, plus ou moins sucrées !

A noter : la recommandation « forte » de l’OMS précise que la consommation de sucres libres (ajoutés + jus de fruits) doit être inférieure à 10 % des apports caloriques, soit environ 50 g / jour pour 2000 kcal. Une recommandation conditionnelle a été proposée en 2015, à moins de 5% des calories (25 g / jour pour 2000 kcal). Cette dernière est présentée « avec réserve » car le niveau de preuves scientifiques n’est pas suffisant[1].

Une barquette de 300 g de salade de chou peut contenir l’équivalent de 6 à 7 morceaux de sucre

Faux
 Du sucre dans la sauce, c’est possible, mais pas autant !

Une salade de chou, type coleslaw contient environ 5 g de sucres (totaux) pour 100 g[2] soit 15 g pour une barquette de 300 g (ou 3 morceaux de sucre) : même en convertissant l’ensemble des sucres en morceaux de sucre, on n’est clairement pas à 6 à 7 morceaux de sucres.

De plus, les fruits et légumes, comme le chou ou les carottes contenus dans une barquette de Coleslaw, contiennent naturellement des sucres (fructose, glucose, saccharose). Il est donc trompeur de les convertir en morceaux de sucre, surtout lorsque l’on parle de « sucres cachés » (voir aussi notre billet Sucres ajoutés : c’est râpé pour les carottes). Peut-on vraiment dire qu’il y a des sucres cachés dans un chou ou une pomme ?

Par exemple, un sachet de chou râpé nature (sans autre ingrédient que le chou) contient des sucres naturellement présents.

Sucres cachés : ces journalistes qui nous embrouillent

Du sucre peut être ajouté dans la sauce des crudités en barquette, mais pas dans l’ordre de grandeur indiqué. Si vous voulez contrôler les ingrédients, le mieux est encore d’assaisonner vous-mêmes vos légumes.

Des aliments composés de glucides complexes peuvent aussi avoir un Index Glycémique élevé

Vrai
L’IG ne dépend pas de la classification glucides simples / complexes.

L’article propose d’ « oublie[r] la distinction entre sucres lents et sucres rapides », en cassant l’idée reçue qu’un sucre lent est un glucide complexe (amidon des pain, du riz…) et qu’un sucre rapide est un glucide simple (ou sucres : sucre, fructose…).

Effectivement c’est plutôt bien vu, puisque l’on sait maintenant que la capacité d’un aliment à élever la glycémie (le taux de glucose dans le sang) ne dépend pas de la composition en glucides, mais varie selon la présence d’autres nutriments (par exemple les fibres ou les graisses ralentissent la digestion des glucides), la forme (solide, en jus, en purée), la cuisson, etc.

Pour conclure, nous avons bien conscience qu’il n’est pas facile pour un consommateur d’identifier la nature des sucres (naturellement présents ou ajoutés) ni de s’y retrouver dans les différentes appellations et recommandations. Il est donc regrettable que des journalistes entretiennent des confusions, avec un titre alarmant « Sucre, ennemi public », et brouillent encore un peu plus le consommateur.

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