Non, le sucre n’est pas une nouvelle drogue

Non, le sucre n’est pas une nouvelle drogue

Non, le sucre n’est pas une nouvelle drogue

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21 juin 2017

L’émission de la station RTL « La curiosité est un vilain défaut » accueillait le 20 juin 2017 un journaliste, Bernard Pellegrin, pour son nouveau livre « Sucre : enquête sur l’autre poudre ».

Non, le sucre n’est pas une nouvelle drogue

Il faut bien vendre et le titre volontiers provocateur fait le bonheur des reprises, puisque l’émission titrait sur « La mafia du sucre ». Les agriculteurs betteraviers de l’hexagone, les planteurs de canne à sucre outre-mer ainsi que les employés des sucreries apprécieront…

Nous avons déjà commenté quelques affirmations rapides voire erronées de M. Pellegrin sur le sucre (voir notre article « Nouveau livre sur le sucre: de la poudre… aux yeux ») mais la liste s’agrandit. Un Fact-checking était de mise.

« Il est démontré que le sucre agirait comme une drogue »

Faux

Le journaliste cite à l’appui de cette « découverte » des expériences aujourd’hui bien connues sur des rats entraînés par des privations répétées à réclamer dans leur cage soit de la cocaïne soit de l’eau sucrée. Lorsque les deux choix sont possibles, les rats choisissent majoritairement l’eau sucrée. C’est une démonstration que les circuits de la récompense, libérant de la dopamine, sont activés à l’identique dans les deux cas. Mais cela ne signifie pas que le sucre est une drogue, ni chez les rats et encore moins chez l’homme.

Un rappel de bon sens : pour vivre, nous mangeons des aliments composés de nutriments, portant des saveurs complexes et souvent plaisantes. Le sucre et les sucres sont des nutriments. Le système de récompense nous procure du plaisir  quand nous mangeons et c’est normal !!

Certaines personnes se déclarant gravement « addictes » au sucre et consomment compulsivement de grandes quantités de produits sucrés. Ce sont de vraies pathologies et de vraies souffrances, qui relèvent d’une addiction comportementale au fait de manger, certainement pas à un nutriment ou une saveur.

Environ 5 à 10 % des Français souffriraient de troubles du comportement alimentaire (ratio de 7 femmes pour 1 homme), nécessitant une prise en charge individuelle souvent pluridisciplinaire (accompagnement nutritionnel, soutien psychologique voire médicamenteux, etc.).

« En France, on consomme 22 kg/an, il y a des gens qui parlent de 35 kg, on est sans doute entre les deux ! »

Faux

Un principe : quand on ne sait pas, on vérifie, mais on ne propose pas un chiffre au hasard. Les 22 kg/an/personne sont une estimation des apports en sucres ajoutés (sucre de betterave et de canne principalement) à partir des enquêtes nationales de consommation alimentaire du CREDOC et de l’ANSES remontant à 2006/2007.

Les 35 kg n’ont rien à voir : il s’agit de ventes de sucre en France divisées par la population. C’est une donnée très imprécise puisqu’elle inclut des utilisations alimentaires et non alimentaires, et ne reflète pas ce qui n’est pas consommé (pertes à la production, gaspillage à domicile, etc.). Voir à ce sujet notre article sur « La consommation de sucre de 1850 à nos jours ».

« Le problème, ce n’est pas de manger du sucre, c’est d’en manger trop ! »

Vrai

Merci à l’auteur pour cette nuance, qui est de taille! Pour rappel, le sucre est une des sources de glucides donc de glucose, le carburant des cellules de notre corps. En France, nous consommons de l’ordre de 250 g de glucides par jour (glucides complexes et glucides simples), dont environ 50 g de sucres ajoutés (principalement du sucre de canne et de betterave, des sirops de glucose et du miel).

« Le sucre est partout, nous sommes dans une société sucrée ! »

A Nuancer

L’auteur du livre avance un chiffre : 80 % des produits alimentaires de nos supermarchés contiendraient du sucre. Nous avons recherché sans succès une source publiée fiable pour la France.

Pour la France, la table de référence en matière composition nutritionnelle est celle de l’ANSES. Mise à jour fin 2016, elle permet d’estimer que 65% environ des 2600 aliments de la table (tous les aliments, bruts ou préemballés) contiennent des sucres naturellement présents ou ajoutés à une teneur égale ou supérieure à 0,5 %.

En ayant recours aux bases de données de l’ANSES et d’OpenfoodFacts, environ 25 % de tous les aliments contiennent des sucres ajoutés et pour les seuls produits préemballés, la proportion monte à 55-60 % avec sucres ajoutés, avec des teneurs allant de 100% (le sucre en morceaux) à 0,5% (dextrose dans le saucisson).

C’est une présence importante mais ce n’est pas « partout » ni en quantités gigantesques.

Quant au fait que nous sommes dans une société « sucrée », c’est une idée plaisante mais qui n’est pas nouvelle : le regard désapprobateur sur la source de nos gourmandises a traversé les époques, de pénurie comme d’abondance (voir à ce sujet le livre de l’historien Florent Quellier sur « la Gourmandise, histoire d’un péché capital », Ed. Armand Colin, 2010).

« Il y a des dentifrices qui ont du sucre ! »

Faux

Archi-faux et ce serait une mauvaise idée. Le sucre est impliqué dans le processus cariogène, ce qui n’est pas le cas des édulcorants intenses, que l’on peut en revanche retrouver dans certains dentifrices.

« L’OMS dit : pas plus de 25g de sucre(s) par jour »

A Nuancer

Les recommandations de l’OMS concernant les apports en sucres libres (sucres ajoutés et sucres des jus de fruits) sont fixées depuis 2015 à moins de 50 g/j ou 10 % des calories ; c’est la recommandation qui fait foi au plan international.

Les 25 grammes indiqués ici sont une recommandation dite « conditionnelle » d’abaisser le seuil de 10% à 5 % pour « des bénéfices santé additionnels », visant en particulier une meilleure prévention des caries dentaires dans les pays à faible niveau de revenus. A noter que cette recommandation est basée selon l’OMS sur « des niveaux de preuve de très faible qualité ».

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