Sucres libres et maladies métaboliques : une revue questionne les recommandations de l’OMS

Sucres libres et maladies métaboliques :
une revue questionne les recommandations de l’OMS

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Mai 2022

« La recommandation actuelle de l’OMS visant à réduire l’apport en sucres libres de toutes origines à moins de 10 % de l’apport énergétique […] n’est pas bien étayée par les données disponibles » : tel est le titre et le propos d’une revue publiée en avril 2022 dans The American Journal of Clinical Nutrition par des chercheurs indépendants[1] de l’Université de Hong Kong. En particulier, ses auteurs remettent en question l’interprétation des études sur l’obésité et les maladies métaboliques associées[2], et pointent trois grandes limites.

Des résultats chez l’animal difficilement transposables

En premier lieu, les auteurs estiment que si de nombreuses études chez l’animal (rongeurs essentiellement) rapportent des effets métaboliques délétères des sucres alimentaires, leurs résultats sont difficilement transposables à l’Homme. D’abord parce que ces études ont majoritairement porté sur du fructose pur. Or ce sucre est rarement consommé tel quel dans le régime alimentaire humain. Ensuite parce que les doses utilisées sont très élevées, représentant généralement plus de 50 % de l’apport énergétique total des animaux (AET), quand une consommation « élevée » chez l’Homme se situerait plutôt aux alentours de 25 %. Enfin, la durée des études se limitent dans la plupart des cas à quelques semaines, ce qui ne peut refléter les effets d’une consommation chronique chez l’Homme.

Etudes chez l’Homme : des conclusions hétérogènes et des limites méthodologiques

Les auteurs s’arrêtent ensuite sur les études d’observation réalisées chez l’Homme. Ils soulignent leurs conclusions hétérogènes : certaines concluent à des associations entre les apports en sucres et des troubles et maladies métaboliques (syndrome métabolique, obésité, diabète, insulinorésistance, dyslipidémies et dérégulations glycémiques), quand d’autres ne mettent pas en évidence de telles relations. Au-delà de la question de la divergence des résultats, les auteurs regrettent aussi les insuffisances méthodologiques fréquemment rencontrées dans les études d’observation : en particulier, l’utilisation de données auto-rapportées par les sujets, source de biais.

Quant aux études d’intervention, les auteurs leurs reprochent les mêmes limites qu’aux études menées chez l’animal : sucres testés de façon isolée, sur des durées trop courtes et des doses trop élevées.

Des résultats portant exclusivement sur les sucres liquides

Enfin, les auteurs soulignent que dans la très grande majorité des études, les effets métaboliques délétères relevés se rapportent à des sucres consommés sous forme de boissons. Les études sur les sucres solides sont d’une part beaucoup moins nombreuses, d’autre part plus nuancées.

Vers des recommandations différenciant les sources de sucres ?

Les chercheurs appellent ainsi à reconsidérer le corpus de connaissances disponibles afin de réviser les recommandations actuelles, sans extrapoler les conclusions relatives aux sucres liquides consommés sous forme de boissons sucrées aux sucres consommés sous formes solides. Pour eux, « il est tout à fait possible que la consommation « élevée » de sucre à des doses alimentaires normales (par exemple, 25 % de l’apport énergétique quotidien), […] en particulier sous forme solide, ne présente pas de risque pour la santé des individus ».

Quant au risque de « dilution nutritionnelle » des régimes riches en sucres (défini comme la diminution des apports en micronutriments lorsque la part des sucres augmente dans le régime, voir nos brèves à ce sujet[3],[4]), celui-ci pourrait aussi exister pour des apports en sucres très faibles (< 5 % de l’AET). Cela pourrait tenir à la bonne densité nutritionnelle de certains produits sucrés, comme les céréales de petit déjeuner. Là encore, les chercheurs appellent donc à la nuance dans les recommandations, qui devraient inciter à limiter les aliments sucrés présentant peu d’intérêt nutritionnel, et non pas à limiter les apports en sucres libres quelle que soit leur source d’apport.

[1] Aucun lien d’intérêt ni financement déclaré par les auteurs

[2] À noter, si les recommandations préconisant des apports en sucres libres inférieurs à 10 % voire 5 % des apports caloriques libres reposent initialement sur le risque de caries dentaires (voir Brève), l’OMS a étendu ces limites à la prévention de l’obésité ou des pathologies associées. C’est ce dernier point que les auteurs considèrent dans cette revue.

[3] Quelles relations entre apports en sucres et en micronutriments ?

[4] Une alimentation riche en sucres ajoutés compromet-elle les apports en micronutriments?

A retenir
  • Une revue remet en question les données à l’appui des recommandations de l’OMS sur les sucres libres dans la prévention de l’obésité et des maladies associées ;

  • Problème de transposabilité des études animales, incohérence et insuffisance méthodologique des études chez l’Homme, extrapolation des résultats sur les sucres liquides aux autres formes de consommation de sucres sont les principales limites pointées ;

  • Les chercheurs appellent ainsi à reconsidérer le corpus de connaissances disponibles afin de réviser les recommandations actuelles, en différenciant les sources d’apports en sucre.

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