Fin de la campagne sucrière : Quel est le bilan ? Réponses de Alain Carré

Fin de la campagne sucrière : Quel est le bilan ? Réponses de Alain Carré

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Février 2022

C’est une campagne qui avait bien démarré, ralentie par un épisode de gel, puis rapidement repartie. Alors que la campagne 2021 est déjà terminée pour certains sucriers depuis fin décembre, et que les derniers vont finir tout début février, quel bilan peut-on en tirer ? Alain Carré, Président de l’Association interprofessionnelle de la betterave et du sucre (AIBS [1]) et agriculteur betteravier dans le département de l’Aube, répond à nos questions.

Qu’est-ce qui explique la différence de timing entre des sucreries qui terminent la campagne plutôt sur décembre ou fin janvier ?

AC : En général, les plus gros acteurs finissent aux alentours du 15-20 janvier et la campagne dure environ 115 jours.

Chaque sucrerie dépend d’un bassin betteravier, plus ou moins important en nombre de planteurs rattachés, en hectares de betteraves et en capacité d’usine. Certaines usines ont beaucoup d’hectares à travailler, donc plus de jours de fabrication. Ce qu’il faut savoir c’est que chaque groupe sucrier a une politique industrielle qui lui est propre. Les plus petites usines tournent autour de 7 000 tonnes par jour, d’autres sont à 25 000 tonnes par jour.

Comment la campagne 2021/2022 semble s’être passée ? Quelles sont les premières perceptions ?

AC : La campagne betteravière a commencé en début d’année 2021 avec les commandes de semences. Elle s’est bien déroulée du point de vue semailles. Mais ensuite, le gel a occasionné le ressemis d’environ 50 000 hectares de betteraves ! On avait donc une inquiétude sur ces hectares-là, car les pertes en rendement ne sont visibles qu’à la récolte, six mois plus tard. Mais « dame nature » a compensé ce qu’elle a détruit : on a eu une pluviométrie correcte et un peu de soleil en septembre.

Même si on ne va pas arriver à la moyenne habituelle (on reste légèrement en dessous), la campagne betteravière retrouve des couleurs pour les producteurs mais également pour les groupes sucriers qui vont avoir des résultats plus positifs.

Quel bilan pouvez-vous tirer de cette campagne par rapport aux précédentes ?

AC : En 2020, année très impactée par la jaunisse de la betterave, on était plutôt à un rendement moyen de 62 tonnes/hectares avec des écarts très importants (de 30 à 80 t/ha). Cette année on devrait tourner autour des 85 tonnes de betteraves par hectare, en moyenne nationale, ce qui reste malgré tout inférieur aux moyennes précédentes, mais enfin on retrouve du baume au cœur !

Qu’est-ce qui va se passer pour les planteurs et dans les sucreries entre cette fin de campagne et la suivante ?

AC : Selon les sucreries on a différents outils industriels. Pour les unités qui ne font que du sucre et dont la campagne se termine fin janvier, il y a dans un premier temps un grand nettoyage et l’entretien du matériel qui a tourné sans interruption pendant 3 à 4 mois.

Ensuite, il peut y avoir une campagne dite « campagne sirop » qui utilise le sirop concentré en sucre produit pendant la campagne classique. Seuls les ateliers d’évaporation et de cristallisation sont alors remis en marche entre le printemps et l’été.

On a également les distilleries, qui tournent quasiment toute l’année pour faire de l’alcool alimentaire et de l’éthanol/carburant.

Et pour les planteurs ?

AC : La campagne ne s’arrête pas quand nos betteraves récoltées sont acheminées à la sucrerie, elle se poursuit. Il faut savoir combien d’hectares on va faire, réfléchir aux rotations avec les autres cultures puis préparer les terres et s’occuper des tâches administratives.

Quels sont pour vous les défis à venir, sur le plan agricole et le plan industriel pour la filière sucre en France ?

AC : Je pense que les recherches sur la betterave sont particulièrement importantes, à l’image des travaux en cours via le PNRI (Plan National de Recherche et Innovation), visant à améliorer la protection des cultures.

Le défi industriel est aussi conséquent, en matière d’efficacité énergétique pour extraire le sucre, mais aussi face à l’enjeu de la décarbonation, pour lequel tous les groupes sucriers sont résolument engagés. 

Dernier défi : garder des surfaces de betteraves suffisamment importantes pour maintenir les sucreries dans nos régions, un élément vital pour le tissu économique de nos territoires ruraux.



[1] L’AIBS regroupe l’ensemble des acteurs de cette filière agricole et industrielle, des planteurs de betteraves (CGB) aux fabricants de sucre (SNFS, Cristal Union, Lesaffre Frères, Ouvré Fils, Saint Louis Sucre, Tereos. Reconnue comme interprofession par le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, elle assure les relations entre la filière et les pouvoirs publics. Elle définit notamment les orientations stratégiques et contribue au financement des organismes interprofessionnels de la filière respectivement dédiés à la recherche et à la communication : l’Institut technique de la betterave (ITB) et Cultures Sucre.

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