Les restrictions alimentaires, facteur de risque de dépression…ou vice versa ?

Les restrictions alimentaires, facteur de risque de dépression…ou vice versa ?

Comportement Alimentaire

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Les personnes souffrant de dépression excluent davantage d’aliments de leur régime que les personnes qui en sont exemptes. Mais est-ce la dépression qui favorise les restrictions alimentaires, ou l’inverse ? Des chercheurs français ont tenté de répondre à cette question en quantifiant l’intensité de cette association dans chacun des deux sens.

La dépression et les restrictions mesurés chez près de 30 000 participants

Les chercheurs ont utilisé les données recueillies chez près de 30 000 adultes de la cohorte française CONSTANCES, qui ont notamment rempli des questionnaires concernant leurs symptômes dépressifs et leurs apports alimentaires à l’inclusion dans l’étude (entre 2012 et 2014), puis au cours du suivi (en 2015 ou 2017). Grâce aux fréquences de consommations alimentaires renseignées, les chercheurs ont identifié les restrictions pour différents groupes alimentaires (produits de la mer, viande, œufs, fruits, légumes, produits laitiers, légumineuses et produits céréaliers), définies comme les groupes « rarement » ou « jamais consommés ». Ils ont ensuite analysé les liens entre la présence de symptômes dépressifs et le nombre de restrictions alimentaires.

Une relation bidirectionnelle…

Premier enseignement de l’étude : la relation entre restrictions et dépression s’avère bidirectionnelle. Ainsi, les participants déclarant au moins une restriction alimentaire à l’entrée dans l’étude avaient significativement plus de risque de présenter des symptômes dépressifs au cours du suivi. Ce risque augmentait linéairement avec le nombre de restrictions, et était 2,4 fois plus élevé pour ceux qui excluaient au moins 4 groupes d’aliments. Inversement, les participants qui présentaient des symptômes dépressifs à l’inclusion dans l’étude avaient une probabilité plus forte d’exclure au moins un groupe d’aliments au cours du suivi. Chez ces individus, le risque d’exclure au moins 4 groupes d’aliments était multiplié par 3,4. À noter, ces associations étaient indépendantes des caractéristiques socio-démographiques et de style de vie des participants. Cependant, les causes des restrictions (goût, religion, régime, allergie, etc.) n’étant pas renseignées dans l’étude, elles n’ont pas été prises en compte dans l’analyse.

… avec un sens dominant

Les chercheurs ont ensuite quantifié la force des associations dans chacun des deux sens. Conclusion ? L’association entre les restrictions alimentaires à l’inclusion et la dépression au cours du suivi s’avérait environ 100 fois plus forte que la relation inverse (c’est-à-dire entre dépression à l’inclusion et les restrictions au cours du suivi). Ainsi, les restrictions alimentaires semblent précéder l’apparition de la dépression, l’inverse semblant moins cliniquement significatif.

Les déficiences nutritionnelles pourraient être en cause

Les chercheurs avancent plusieurs hypothèses pour expliquer leurs observations. Les déficiences nutritionnelles résultant des restrictions alimentaires pourraient jouer un rôle dans l’apparition des symptômes dépressifs, en particulier celles en oméga-3, zinc, magnésium, sélénium, calcium et vitamine D ; les effets délétères de restrictions concomitantes sur plusieurs groupes d’aliments étant susceptibles de se cumuler.

L’association entre restrictions alimentaires et dépression pourrait aussi trouver son origine dans les troubles du comportement alimentaire. En effet, ces derniers constituent un facteur de risque connu de dépression ; et vice versa. Ainsi, cette étude vient renforcer l’idée que le régime alimentaire peut aider à prévenir l’apparition de la dépression, et suggère qu’une attention particulière devrait être portée aux restrictions alimentaires.

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A retenir
  • Les restrictions alimentaires constituent un facteur de risque d’apparition de symptômes dépressifs, le risque croissant linéairement avec le nombre de restrictions.

  • Les symptômes dépressifs constituent également un facteur de risque de restrictions alimentaires, mais la force de cette association est 100 fois moins importante que la relation inverse.

  • Les déficiences nutritionnelles (oméga-3, vitamine D, etc.) résultant des restrictions alimentaires pourraient expliquer en partie cette association.

Sources
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